Beaucoup de peintres, comme Delacroix, Marquet ou Camoin furent conquis par Tanger. Mais le plus marqué reste surement Matisse :
Matisse est né le 31 décembre 1869, dans une famille de commerçants. Il étudia le droit à la faculté de Paris (1887-1889). A partir de 1890, Matisse tombe malade et doit abandonner le droit. Il découvre sa passion pour la peinture à ce moment là, et intègre l’atelier de Gustave Moreau, où celui-ci l’accueille après avoir apprécié ses dessins. Son travail de jeunesse révèle son goût pour le naturalisme. Pendant ses voyages en Bretagne et en Corse, il étudia les possibilités de représentation du paysage et prend goût pour l’impressionnisme.
Matisse, très habile dans le maniement des couleurs, en particulier pour le rendu des formes et l’organisation des plans dans l’espace, a été l’influencé par des artistes comme Paul Gauguin, Paul Cézanne ou encore Vincent Van Gogh.
Passant l’été 1904 à Saint-Tropez chez le peintre Paul Signac, Matisse découvre le procédé du pointillisme. Technique nouvelle de juxtaposition de petites touches (des points ou des traits courts) de pigments purs dans le but de créer dans le regard du spectateur, un mélange optique et intense.
Matisse a une façon assez particulière d’utiliser les couleurs, à laquelle il doit son surnom de «fauve» en raison de l’utilisation violente de celles-ci qui construisait par grande masse l’espace de la toile.
Confronté aux avancées du cubisme (peinture qui construit les formes par un rendu géométrique), Matisse préfère un volume générique, découpé dans la couleur, abandonnant le travail de la touche et privilégiant le contraste aux lignes figuratives.
Matisse rapporte de voyages au Maroc et à Tahiti un goût marqué pour des paysages clairs et fluides et les couleurs chaudes des intérieurs exotiques.
Il effectue son premier voyage à Tanger entre janvier et avril 1912. Ce voyage était en projet depuis 1910, mais plusieurs circonstances, dont la mort de son père l’en ont empêché. Matisse a toujours été attiré par l’art oriental et l’exposition d’art musulman à Munich à laquelle il assista fut une confirmation. Matisse se rend d’abord en Andalousie (Cordoue, Grenade, l’Alhambra…) et il prend alors la décision d’aller au maroc. Ce qu’il cherchait avant tout, c’était le soleil et la lumière de l’Afrique. Malheureusement pour lui, il plut durant tout le séjour et le peintre devra rester enfermé dans son hôtel. D’ailleurs, encore aujourd’hui certains touristes viennent visiter la chambre 35 de « l’hôtel Gran Villa de France ». La vue qu’on y a est toujours la même, à gauche on trouve l’église anglicane, en face, au fond la mosquée de la Casbah et à droite le port. Il écrit à son ami Gertrude Stein, « Verrons-nous le soleil du Maroc ? Ah ! Tanger, Tanger ! Je voudrais bien avoir le courage de foutre mon camp. » Pourtant, dès que la pluie cesse, il prend ses pinceaux et se rend dans des jardins. Il y est étonné par la végétation et les habitants : « C’est un lieu tout pour les peintres, le beau y abonde. La joie est dans le ciel, dans les arbres, dans les fleurs… ». Il est émerveillé par la clarté des visages et du ciel.
Matisse effectuera un second voyage à Tanger entre octobre 1921 et février 1913. Il admettra plus tard, vers 1947, « La révélation m’est venue de l’Orient». Il y ressentit une intensité sans précédent. D’ailleurs, les mois passés à Tanger jouèrent un rôle important dans sa rupture avec le fauvisme. Ils l’ont aidé à faire la transition, à reprendre contact avec la nature. Dès lors, il accordera une place importante à la flore. Il fait coexister deux esthétiques : la décoration et la figure humaine. C’est à dire, qu’il réussit à intégrer une figure dans un ensemble décoratif et à les mettre au même plan. « Un artiste ne doit jamais être prisonnier de lui-même, d’une manière, d’une réputation, ou d’un succès », tel était la devise de Matisse. Son envie de découvrir constamment de nouvelles choses, n’a été que bénéfique pour lui.
Le travail fait sur place se représente au début comme principalement des natures mortes, des paysages et des portraits qui mettent en avant la richesse des tenues marocaines de l’époque. En dehors des portraits qu’il fait de Zorah et d’Amido, les personnages n’ont pas de visage (le café marocain), ils font partie du paysage comme les énigmes laissées au regard. En fait Matisse peignait ce qu’il voyait comme la baie de Tanger, la mosquée de la Casbah, la porte de la Casbah...
· « Vue sur la baie de Tanger », 1912
· « Amido », 1912
· « Zorah sur la terrasse », 1912
· « Zorah debout », 1912
· « Le marabout », 1912-1913
· « Le Rifain debout », 1913
· « Le café arabe », 1913
· « Fatmah la mulâtresse », 1913
· « Portrait et minaret, mosquée de la Casbah »
· « Le paravent mauresque », 1921-1933
· « La mauresque ou Odalisque debout au Brasero », 1929
Mais c’est avec son triptyque composé de « Sur la terrasse », « La porte de la Casbah » et « Paysage vu de la fenêtre » que Matisse révèle sa perfection.
Il dessinera des croquis de ses souvenirs du Maroc, et plus particulièrement de Tanger jusqu’à la fin de sa vie. Les plus connus étant « Marocain au repos », « Marocaine assise », « femme au visage voilé » ou encore « La chemise arabe ».
Aussi, le bleu intense, caractéristique de plusieurs de ses œuvres évoque la mer du pur bleu découverte à Tanger. Tout comme on retrouvera souvent dans ses odalisques un motif oriental, que ce soit sur les tapis ou les murs. Mais ce que Matisse empruntera au paysage marocain c’est surtout ses teintes subtiles et très variées.
Matisse a découvert Zorah, une prostituée qu'il a souvent peinte dans sa robe et son environnement marocain, « Zorah sur la terrasse » fut peinte à Tanger. Le portrait de Zorah évoque un monde semblable à celui d’Eugène Delacroix dans les femmes d’Alger. Mais tandis que Delacroix fait revivre le monde fermé et ombragé du harem avec toutes ses richesses, Matisse, lui, peint à l’air libre, en plein soleil, sur le toit d’une maison. L’intensité de la lumière est adoucie par une ombre vert pâle qui tombe sur le haut de la robe de Zorah et par l’ombre bleue venant du tapis. Le triangle de la lumière en haut à gauche est repris par le rose des poissons en bas à droite. On retrouve ici le principe des couleurs qui étaient déjà utilisées dans les œuvres fauves de Matisse tel que « la raie verte ».
Matisse meurt le 3 novembre 1954 à Nice, suite à son cancer.
Pour Matisse le but en allant à Tanger n’était pas de copier la réalité, mais simplement d’utiliser les moyens possibles, pour illuminer cette réalité…
"Zorah sur la terrasse"
Eugène Delacroix, des années avant Matisse, sera lui aussi charmé par Tanger. Peintre français né en 1798, Delacroix prendra goût à la peinture dès son plus jeune âge. Il se lie avec les écrivains de l'époque : Hugo, Stendhal, Dumas, Mérimée et George Sand. Le départ en Afrique du Nord ne se révèle pas d’une décision personnelle du peintre, son voyage est dut à la politique coloniale amorcée par Charles X.
La France veut assurer la sécurité de ses frontières avec le Maroc. Louis- Philipe, décide d’envoyer une délégation et y invite Delacroix.
Le voyage ne se déroule pas comme prévu, ce fut une véritable confrontation avec le monde étranger.
La délégation met treize jours pour arriver dans la ville de Tanger. Delacroix dessine énormément et écrit même des essais. L’intérêt que porte Delacroix à l’Afrique est avant tout d’ordre artistique, il s’ enthousiasme par les qualités esthétiques du Maroc pendant son voyage, il oppose le climat politique de la France au calme de l’Afrique.
"Ruelle à Tanger"
Albert Marquet, voyaga avec son ami Matisse à Tanger. Né à Bordeaux, Albert Marquet était peintre et dessinateur. Il rencontra Matisse aux Beaux-arts où ils y étudiaient tous les deux puis il suivit Matisse à l’atelier de Gustave Moreau.
Il peint des scènes populaires, des paysages , des vues de ville (Tanger). On dit qu’il avait la particularité d’avoir la plume souple et la finesse des traits. Il n’utilisait pas autant les couleurs vives que Matisse, il y préférait le gris et le bleu. Il voyagea au Maroc et en Algérie d’où il pris son inspiration pour peindre les paysages. Il chercha à rendre l’émotion ressentie devant la nature en restant totalement fidèle aux apparences. Il meurt à Paris en 1947.
"La citadelle à Tanger"
Arthur Melville, peindra lui aussi Tanger... Il est né en 1858 et est mort en 1904, c’était un peintre d’origine écossaise qui apprit la peinture très jeune, et qui, comme de nombreux peintres de l’époque, s’inspira de ses voyages pour peindre (Perse, Egypte, Inde). Melville peint Tanger dans un style semblable à Matisse : vive et colorée.
"Vue de Tanger"
Charles Camoin, rejoindra lui aussi Matisse. Il fut éblouit par la ville. La plupart des tableaux qu’il peint alors, s’agissant d’une plage ou de motifs architecturaux, sont précédés d’études à l’encre ou au fusain, la couleur n’intervenant que sur la toile. Son approche de la lumière a évolué et se caractérise par une transparence des couleurs et une économie de moyens perceptible jusque dans ses dessins. Ce changement de méthode, probablement lié à la proximité de Matisse, l’incite à travailler de manière moins impulsive : deux études, voire trois, précèdent un tableau, la notation de l’emplacement des différentes valeurs venant parfois renforcer comme dans ceux de la Plage de Tanger, un croquis général.
Dessin du tableau "La plage"
"Minaret à Tanger"