"Jour de silence à Tanger", Tahar Ben jelloun

Tahar Ben Jelloun est né à Fès, en 1944. Tahar devient celèbre avec son livre "La nuit sacrée", suite de "L'enfant de sable", pour lequel il reçu le prix Goncourt en 1987. Il est l'écrivain francophone le plus traduit au monde. Il a écrit de nombreux livres, dont :
  • À l'insu du souvenir, 1980 (recueil de poèmes)
  • Les Raisins de la galère, 1996
  • Le Racisme expliqué à ma fille, 1997
  • Le dernier ami, 2004

Dans jour de silence à Tanger(1990), Tahar Ben Jelloun rend hommage à son père. En effet ce monologue du père est une longue réflexion sur la vie, le temps et la vieillesse. Malade, le père est abandonné par son corps, il ne lui reste alors que son esprit. Un esprit qui le ronge en ressassant les souvenirs de sa vie. En plus d’être détruit par cet ennui terrible, il est détruit par ces mêmes erreurs, ces mêmes reproches qui reviennent toujours. Les trois plus importants étant son départ de Fès pour Tanger, la trahison de son beau-fils qui travaillait avec lui et qui l’a quitté pour travailler avec ses concurrents, c’est à dire ses neveux. Et enfin l’effondrement de son univers. Ses amis sont tous morts et la relation qu’il entretient avec sa femme est plutôt difficile. Il va se souvenir de sa jeunesse, de la mort de son père, de ses premiers amours, des parties de cartes avec ses amis, du moment où il a dû quitter ses amis de Fès pour partir à la guerre... Après ce retour sur son passé, l’insatisfaction l’envahit : sa vie est monotone, l’a t’elle toujours été ?Il a comme une impression de trahison, d’échapper, de fuir au monde. Seule la ville est coupable, c’est elle qui veut ça. Le père a le mal de la ville et ne l’apprécie pas : « Il n’y règne que la paresse, le vent et l’ingratitude ». Tahar Ben jelloun nous donne l’image d’un père lointain, solitaire, railleur et cruel, pourtant on voit se créer un attachement avec ce personnage tout au long du livre. L’absence de son entourage, le renfermement sur soi et son présent remplit de regrets tout comme son passé, font tomber le père dans le cercle vicieux d’une vieillesse mal vécue. Mais soudain, le ciel bleu remplace la grisaille et le brouillard de Tanger dans son esprit… il ne dit pas un mot il ferme lentement ses yeux, le voilà partit rejoindre ses amis…

Tanger sous le pinceau des peintres ...

Beaucoup de peintres, comme Delacroix, Marquet ou Camoin furent conquis par Tanger. Mais le plus marqué reste surement Matisse :

Matisse est né le 31 décembre 1869, dans une famille de commerçants. Il étudia le droit à la faculté de Paris (1887-1889). A partir de 1890, Matisse tombe malade et doit abandonner le droit. Il découvre sa passion pour la peinture à ce moment là, et intègre l’atelier de Gustave Moreau, où celui-ci l’accueille après avoir apprécié ses dessins. Son travail de jeunesse révèle son goût pour le naturalisme. Pendant ses voyages en Bretagne et en Corse, il étudia les possibilités de représentation du paysage et prend goût pour l’impressionnisme.
Matisse, très habile dans le maniement des couleurs, en particulier pour le rendu des formes et l’organisation des plans dans l’espace, a été l’influencé par des artistes comme Paul Gauguin, Paul Cézanne ou encore Vincent Van Gogh.
Passant l’été 1904 à Saint-Tropez chez le peintre Paul Signac, Matisse découvre le procédé du pointillisme. Technique nouvelle de juxtaposition de petites touches (des points ou des traits courts) de pigments purs dans le but de créer dans le regard du spectateur, un mélange optique et intense.
Matisse a une façon assez particulière d’utiliser les couleurs, à laquelle il doit son surnom de «fauve» en raison de l’utilisation violente de celles-ci qui construisait par grande masse l’espace de la toile.
Confronté aux avancées du cubisme (peinture qui construit les formes par un rendu géométrique), Matisse préfère un volume générique, découpé dans la couleur, abandonnant le travail de la touche et privilégiant le contraste aux lignes figuratives.
Matisse rapporte de voyages au Maroc et à Tahiti un goût marqué pour des paysages clairs et fluides et les couleurs chaudes des intérieurs exotiques.
Il effectue son premier voyage à Tanger entre janvier et avril 1912. Ce voyage était en projet depuis 1910, mais plusieurs circonstances, dont la mort de son père l’en ont empêché. Matisse a toujours été attiré par l’art oriental et l’exposition d’art musulman à Munich à laquelle il assista fut une confirmation. Matisse se rend d’abord en Andalousie (Cordoue, Grenade, l’Alhambra…) et il prend alors la décision d’aller au maroc. Ce qu’il cherchait avant tout, c’était le soleil et la lumière de l’Afrique. Malheureusement pour lui, il plut durant tout le séjour et le peintre devra rester enfermé dans son hôtel. D’ailleurs, encore aujourd’hui certains touristes viennent visiter la chambre 35 de « l’hôtel Gran Villa de France ». La vue qu’on y a est toujours la même, à gauche on trouve l’église anglicane, en face, au fond la mosquée de la Casbah et à droite le port. Il écrit à son ami Gertrude Stein, « Verrons-nous le soleil du Maroc ? Ah ! Tanger, Tanger ! Je voudrais bien avoir le courage de foutre mon camp. » Pourtant, dès que la pluie cesse, il prend ses pinceaux et se rend dans des jardins. Il y est étonné par la végétation et les habitants : « C’est un lieu tout pour les peintres, le beau y abonde. La joie est dans le ciel, dans les arbres, dans les fleurs… ». Il est émerveillé par la clarté des visages et du ciel.
Matisse effectuera un second voyage à Tanger entre octobre 1921 et février 1913. Il admettra plus tard, vers 1947, « La révélation m’est venue de l’Orient». Il y ressentit une intensité sans précédent. D’ailleurs, les mois passés à Tanger jouèrent un rôle important dans sa rupture avec le fauvisme. Ils l’ont aidé à faire la transition, à reprendre contact avec la nature. Dès lors, il accordera une place importante à la flore. Il fait coexister deux esthétiques : la décoration et la figure humaine. C’est à dire, qu’il réussit à intégrer une figure dans un ensemble décoratif et à les mettre au même plan. « Un artiste ne doit jamais être prisonnier de lui-même, d’une manière, d’une réputation, ou d’un succès », tel était la devise de Matisse. Son envie de découvrir constamment de nouvelles choses, n’a été que bénéfique pour lui.
Le travail fait sur place se représente au début comme principalement des natures mortes, des paysages et des portraits qui mettent en avant la richesse des tenues marocaines de l’époque. En dehors des portraits qu’il fait de Zorah et d’Amido, les personnages n’ont pas de visage (le café marocain), ils font partie du paysage comme les énigmes laissées au regard. En fait Matisse peignait ce qu’il voyait comme la baie de Tanger, la mosquée de la Casbah, la porte de la Casbah...
· « Vue sur la baie de Tanger », 1912


· « Amido », 1912

· « Zorah sur la terrasse », 1912
· « Zorah debout », 1912
· « Le marabout », 1912-1913
· « Le Rifain debout », 1913
· « Le café arabe », 1913

· « Fatmah la mulâtresse », 1913
· « Portrait et minaret, mosquée de la Casbah »


· « Le paravent mauresque », 1921-1933
· « La mauresque ou Odalisque debout au Brasero », 1929

Mais c’est avec son triptyque composé de « Sur la terrasse », « La porte de la Casbah » et « Paysage vu de la fenêtre » que Matisse révèle sa perfection.
Il dessinera des croquis de ses souvenirs du Maroc, et plus particulièrement de Tanger jusqu’à la fin de sa vie. Les plus connus étant « Marocain au repos », « Marocaine assise », « femme au visage voilé » ou encore « La chemise arabe ».
Aussi, le bleu intense, caractéristique de plusieurs de ses œuvres évoque la mer du pur bleu découverte à Tanger. Tout comme on retrouvera souvent dans ses odalisques un motif oriental, que ce soit sur les tapis ou les murs. Mais ce que Matisse empruntera au paysage marocain c’est surtout ses teintes subtiles et très variées.
Matisse a découvert Zorah, une prostituée qu'il a souvent peinte dans sa robe et son environnement marocain, « Zorah sur la terrasse » fut peinte à Tanger. Le portrait de Zorah évoque un monde semblable à celui d’Eugène Delacroix dans les femmes d’Alger. Mais tandis que Delacroix fait revivre le monde fermé et ombragé du harem avec toutes ses richesses, Matisse, lui, peint à l’air libre, en plein soleil, sur le toit d’une maison. L’intensité de la lumière est adoucie par une ombre vert pâle qui tombe sur le haut de la robe de Zorah et par l’ombre bleue venant du tapis. Le triangle de la lumière en haut à gauche est repris par le rose des poissons en bas à droite. On retrouve ici le principe des couleurs qui étaient déjà utilisées dans les œuvres fauves de Matisse tel que « la raie verte ».
Matisse meurt le 3 novembre 1954 à Nice, suite à son cancer.
Pour Matisse le but en allant à Tanger n’était pas de copier la réalité, mais simplement d’utiliser les moyens possibles, pour illuminer cette réalité…

"Zorah sur la terrasse"

Eugène Delacroix, des années avant Matisse, sera lui aussi charmé par Tanger. Peintre français né en 1798, Delacroix prendra goût à la peinture dès son plus jeune âge. Il se lie avec les écrivains de l'époque : Hugo, Stendhal, Dumas, Mérimée et George Sand. Le départ en Afrique du Nord ne se révèle pas d’une décision personnelle du peintre, son voyage est dut à la politique coloniale amorcée par Charles X.
La France veut assurer la sécurité de ses frontières avec le Maroc. Louis- Philipe, décide d’envoyer une délégation et y invite Delacroix.
Le voyage ne se déroule pas comme prévu, ce fut une véritable confrontation avec le monde étranger.
La délégation met treize jours pour arriver dans la ville de Tanger. Delacroix dessine énormément et écrit même des essais. L’intérêt que porte Delacroix à l’Afrique est avant tout d’ordre artistique, il s’ enthousiasme par les qualités esthétiques du Maroc pendant son voyage, il oppose le climat politique de la France au calme de l’Afrique.
"Ruelle à Tanger"

Albert Marquet, voyaga avec son ami Matisse à Tanger. Né à Bordeaux, Albert Marquet était peintre et dessinateur. Il rencontra Matisse aux Beaux-arts où ils y étudiaient tous les deux puis il suivit Matisse à l’atelier de Gustave Moreau.
Il peint des scènes populaires, des paysages , des vues de ville (Tanger). On dit qu’il avait la particularité d’avoir la plume souple et la finesse des traits. Il n’utilisait pas autant les couleurs vives que Matisse, il y préférait le gris et le bleu. Il voyagea au Maroc et en Algérie d’où il pris son inspiration pour peindre les paysages. Il chercha à rendre l’émotion ressentie devant la nature en restant totalement fidèle aux apparences. Il meurt à Paris en 1947.


"La citadelle à Tanger"

Arthur Melville, peindra lui aussi Tanger... Il est né en 1858 et est mort en 1904, c’était un peintre d’origine écossaise qui apprit la peinture très jeune, et qui, comme de nombreux peintres de l’époque, s’inspira de ses voyages pour peindre (Perse, Egypte, Inde). Melville peint Tanger dans un style semblable à Matisse : vive et colorée.

"Vue de Tanger"



Charles Camoin, rejoindra lui aussi Matisse. Il fut éblouit par la ville. La plupart des tableaux qu’il peint alors, s’agissant d’une plage ou de motifs architecturaux, sont précédés d’études à l’encre ou au fusain, la couleur n’intervenant que sur la toile. Son approche de la lumière a évolué et se caractérise par une transparence des couleurs et une économie de moyens perceptible jusque dans ses dessins. Ce changement de méthode, probablement lié à la proximité de Matisse, l’incite à travailler de manière moins impulsive : deux études, voire trois, précèdent un tableau, la notation de l’emplacement des différentes valeurs venant parfois renforcer comme dans ceux de la Plage de Tanger, un croquis général.



Dessin du tableau "La plage"


"Minaret à Tanger"

Quelques biographies d'écrivains....




Paul Bowles (1910-1999) : Ecrivain américain, membre de la beat generation. Il s'installe à Tanger en 1947 avec sa femme, également écrivain, Jane Auer. Le couple se lit d'amitié avec de nombreux autres écrivains, tels que Truman Capote, Williams Burroughs, Tennesse Williams, Gore Vidal..
Paul Bowles décéda à Tanger à l'age de 88 ans, il laissa un travail important derrière lui :
  • 1949 : "Un thé au Sahara"
  • 1972 : "Mémoire d'un nomade"
  • 1987 : "Réveillon à Tanger" (recueil de nouvelles)
  • 1989 : "Un thé sur la montagne"
  • 1990 : "Journal tangérois" (autobiographie)




William Burroughs (1914-1997) : romancier américain, dépendant de la drogue, Burroughs était très fragile mentalement. Il s'installa à Tanger après avoir erré dans différents pays. Paul Bowles écrit : " Je vis Bill Burroughs pour la première fois en 1953, il marchait sous la pluie dans une rue secondaire de Tanger. Il était sous H à l'époque et n'avait pas l'air très en forme."Son oeuvre la plus celèbre est "Le festin nu". Il établit aussi une importante correspondance avec Allen Ginsberg("Lettres à Allen Ginsberg").





Truman Capote (1924-1984) : nouvelliste américain, il commence à écrire dès l'âge de 17 ans en tant que journaliste. Plusieurs de ses écrits furent adaptés au cinéma.
  • 1954 : "Plus fort que le diable"
  • 1960 : "Les Innocents"
  • 1966 : "De sang-froid"




Jean Genet (1910-1986) : écrivain français qui connait une grande gloire à paris, il fréquente de ce fait Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir ou encore Matisse...Il était très impliqué politiquement et c'est en défendant ces colonies francaises qu'il découvre l'Orient, qui l'emerveille. Sa dernière volonté était d'être entérré au Maroc.

  • 1946 : "Le miracle de la rose"
  • 1959 : "Les nègres"



Allen Ginsberg (1926-1997) : poète américain, ami de Kerouac. Il a longtemps milité pour la liberté d'expression. Il a aussi été acteur dans des films comme " Ballad of the skeletons" ou encore "Twister". On lui doit des recueils de poèmes tels que "Cosmopolitan Greetings Poems" ou "Planet News".






Jack Kerouac (1922-1969) : écrivain et poète américain, il est l'un des fondateurs de la "Beat Generation". Il a écrit de nombreux livres, dont,"Docteur Sax", en 1959 et "Les anges de la désolation" en 1965.







Paul Morand (1888-1976) : diplomate et écrivain français. Durant la seconde guerre mondiale il supporta le régime de Vichy, ce qui entrainera son exil en Suisse. On lui connait de nombreux succès :
  • "La route des Indes"
  • 1940 : "L'homme préssé"
  • "Journal inutile"



Daniel Rondeau, grand journaliste et écrivains français. Il est aussi l'auteur de romans, d’essais politiques et littéraires , de récits autobiographiques et de livres de voyage.
Il a écrit plusieurs livres sur Tanger.
  • 1997 : "Tanger et autres Marocs"
  • 2000 : "Un peintre à Tanger en 1900"
  • "Tanger"



Tennessee Williams (1911-1983) : dramaturge américain, dont plusieurs oeuvres furent adaptés au cinéma.
  • 1947 : "Un tranway nommé désir"
  • 1958 : "Soudain l'été dernier"
  • "Mémoire d'un vieux crocodile" (autobiographie)

Tanger sous la plume des écrivains...


Tanger est une ville de passage, elle retient particulièrement l’attention. L’étranger qui fait escale à Tanger pour la première fois, s’émerveille de voir que sur un si petit espace il y ait tant d’exotisme. Les artistes la qualifient généralement de trouble et séduisante. La première impression est déjà confuse…
De ce fait, nombre d’entre eux retardent leur départ ou reviennent dès qu’ils ont en l’occasion, ils trouvent en Tanger, une source d’inspiration. L’écrivain américaine Gertrude Stein, sera l’une des premières à séjourner à Tanger, elle invita de nombreux artistes à se joindre à elle. Mais si beaucoup ont écrit à Tanger, peu ont écrit sur elle. « Des rues étroites, couvertes semblables à des couloirs avec des portes ouvrant sur des pièces, des terrasses cachées dominant sur la mer, des rues qui n’étaient que des escaliers, des impasses sombres, de petites places aménagées dans des endroits pentus avec des ruelles partant dans toutes les directions. On y trouvait aussi des tunnels, des remparts, des ruines, des donjons et des falaises, autant de lieux classiques de l'univers onirique», voilà la description qu ‘en fait l’américain Paul Bowles, surnommé le sphinx tangérois. Il décrit aussi « cette excitation sur le bateau à la vue du continent africain qui s’approche ». Car c’est aussi ce qui les attire vers Tanger, sa proximité. Ils peuvent profiter des joies de l’orient tout en voyant les côtes de l’occident, ce qui les apaise. Car peu importe combien de temps ils restent à Tanger, leur regard reste rivé sur la côte. On se demande alors ce qui les retient à Tanger ? Mais le problème est bien là, car ils n’ont eux-mêmes pas de réponse à cette question. Tanger serait une prison, et les écrivains y seraient enfermés, incapables de choisir leur destin, incapables de décider de partir ou de rester…
Cette ville est un lieu de perdition, une ville contradictoire, une ville unique pourtant sans identité propre. Elle peut être le lieu de tous les désirs mais aussi celui de tous les cauchemars, c’est tour à tour le paradis et l’enfer sur terre, d’où son surnom de « Tanger la traître ». Paul Bowles, qui y passera la plupart de son temps, continuera d’affirmer jusqu’à la fin de vie qu’il n’aime pas cette ville, et qu’il n’y est attaché d’aucune manière que ce soit.
Malgré cela ils s’y sentent à l’abri, à l’abri du temps, à l’abri du monde. Dans son œuvre « L’innommable », l’écrivain Samuel Beckett dit : « Il y a un dehors, un dedans et moi au milieu ». Ce qui illustre parfaitement la position des écrivains à Tanger.
Tanger est donc un lieu où l’on vient se faire oublier, mais où on finit par s’oublier soi-même. Les écrivains arrivent rarement à mettre des mots sur les sensations qu’ils ressentent à Tanger, lorsqu’ils y arrivent, cela est très complexe et incompréhensible pour quelqu’un qui ne connaît pas la ville. Truman Capote dit : « A Tanger vous pouvez vous échapper à vous-même et vous pouvez sans cesse être vous-même, et ne jamais être qui que ce soit qui ne serait pas vous ». Personne ne sait qui l’on est, on l’ignore nous même. Le masque que l’on porte nous en empêche…

C’est donc un lieu à qui l’on confie ses secrets, c’est pourquoi la littérature écrite à Tanger se présente principalement comme littérature autobiographique : « Souvenirs d’une tangéroise », d’Elisa Chimenti, « Tanger, ma mémoire », de Zoubida Sekkouri, « Une jeunesse à Tanger », de David bendayan et bien d’autres encore. L’autobiographie se présente sous différentes formes. Elle peut être un récit retraçant son itinéraire et dressant un bilan de sa vie ou un moyen de se faire renaître, en recréant le passé.
Le récit autobiographique ne raconte pas toute la vérité et le masque permet de repousser encore plus loin les limites, le pacte autobiographique de la sincérité n’est pas respecté. Dans « Mémoires d’un nomade », Paul Bowles écrit : « J’avais tellement l’habitude de cacher mes intentions à tout le monde, que je me les cachais parfois à moi-même ». Ce dialogue avec soi-même, permet de se purifier par l’aveu et de se libérer de la culpabilité. Ce qui facilite l’oubli de soi, de son passé, de ses erreurs…
A Tanger, les écrivains provoquent et défient la loi. C’est justement ce qui dérange le romancier et journaliste Joseph Kessel. Pour lui Tanger est une ville luxueuse, paresseuse où règne la débauche. Pourtant cela ne l’empêchera pas d’écrire un roman consacré à Tanger, intitulé « Au grand socco ». Opinion que partage William Burroughs, il considère Tanger, comme un bas-fond. Peut-être parce qu’il est lui-même tombé bien bas… Après avoir assassiné sa femme, il parcourt plusieurs pays à la recherche d’une drogue rare, pour finalement s’installer à Tanger. Pourtant, dans les brouillons de son autobiographie, « Interzone », renommé « Le festin nu » par Jack Kerouac, et dans les lettres qu’il écrit à son ami, Allen Ginsberg, Burroughs dresse un portrait plutôt attrayant de la ville. A Tanger, Burroughs est surnommé « l’homme invisible », il est complètement déconnecté de la vie sociale. L’écrivain, souvent sous l’emprise de drogues hallucinogènes, baigne dans la duplicité : « La réalité se mêle au rêve, et le rêve fait irruption dans le réel ». Son séjour à Tanger restera un immense rêve sans fin.
Pour eux, le lieu n’est pas réel, c’est justement pourquoi ils négligent la Guerre d’indépendance dans leurs écrits. Certaines batailles et épisodes meurtriers devraient attirer leur attention et engager des réflexions mais ils ne font que survoler ces épisodes.
A l’époque du Maroc français, comme toutes les autres villes, Tanger est séparée en deux. On trouve les quartiers indigènes et les quartiers où habitent les colons. Ce qui facilite l’intégration de ces écrivains occidentaux, puisqu’ils ne s’intègrent pas réellement. Jack Kerouac dénonce ceux qui ne se mélangent pas au peuple, pour lui c’est un « refus aveugle et obstiné de tout ce qui constitue l’essence et le fondement d’un pays ». Mais l’occidental ne veut pas voir ce dont il ne veut pas se mêler. Malgré leur attachement à la ville, et la longue durée qu’ils y passeront, aucuns de ces écrivains, mis à part Paul Bowles, n’apprendra la langue marocaine.
De ce fait, les écrivains commentent la politique occidentale à Tanger, mais sans prendre de risques. Ils n’écrivent jamais assez pour la dévoiler, pour en montrer le fonctionnement. Les histoires qui se passent à Tanger ne changent rien pour eux, ce ne sont pas les leurs. Georges lapassade, philosophe et sociologue francais, écrit : « Nous savions que des émeutes explosaient parfois dans la ville d’en bas, on entendait le bruit des fusils ». Ici, le terme de « ville d’en bas » souligne bien la séparation entre les marocains et les colons. La légèreté de la phrase marque la passivité des écrivains à ce moment là. D’ailleurs pour les écrivains, la mémoire de la ville ne repose jamais que sur des lieux spécifiquement marocains, pour certains, la seule histoire qui suscite une attention particulière est celle de son passé occidental.
En effet, les écrivains ne comprennent pas pourquoi une guerre d’indépendance est menée. Ils ont leur propre vision des choses: l’Occident apporte généreusement la civilisation sans troubler les traditions arabes, l’Orient a de la chance de recevoir ce don, mais elle n’en a sûrement pas conscience.
Le colonialisme est avant tout une occupation culturelle de l’espace. C’est là qu’interviennent les écrivains, car il faut aussi des penseurs, des poètes et des écrivains pour nier les spécificités culturelles. La littérature marocaine suit alors les modes intellectuels occidentaux. Ainsi, même si dans « Hécate et ses chiens », de Joseph Kessel, le héros est un jeune arabe (Bachir), celui-ci ne s’intéresse qu’aux occidentaux et a appris tout ce qu’il sait d’un vétérinaire occidental.
Si les écrivains sont soucieux, ce n’est que de leur situation, william Burroughs écrit dans ses lettres à Allen Ginsberg : « Les nationalistes ont déjà exigé l’intégration de Tanger au Maroc indépendant. Ils pourraient bien recourir au terrorisme, si les puissances d’occupations refusaient de rétrocéder la zone internationale ». D’autre part, Paul Bowles de retour à Tanger à cette époque affirme dans son autobiographie « Journal d’un nomade » : « Mes craintes étaient fondées, il régnait maintenant dans les rues de Tanger une atmosphère d’hostilité perceptible ». D’ailleurs, la rupture entre le Tanger colonisé et le Tanger indépendant marque tous les esprits littéraires. De plus la colonisation n’est pas seulement littéraire.
Les occidentaux s’approprient les corps des tangérois, comme ils se sont appropriés les terres. Que ce soit, Paul Morand, Jean Genet ou Jack Kerouac, ils ont tous eu recours au tourisme sexuel. Tanger la « blanche » devient une Tanger soumise et souillée...

Visite de la Tanger d'autrefois, comme si vous y étiez...

Tanger, a toujours vu défiler des touristes. Elle leur offre un spectacle unique et très divers. A l’ouest, on trouve la ville moderne et à l’est le « vieux Tanger », ce dernier étant évidemment beaucoup plus riche. On y retrouve des traces des anciennes occupations européennes comme le café fuentès, la casa Pepe ou encore le théatre Cervantes, inauguré en 1913.




Les quartiers les plus visités et les plus connus, sont :

· Le grand socco, autrefois place du marché très vive, il y règne aujourd’hui le calme, seul demeure les jardins qui l’entourent et le minaret en faïence verte qui la surmonte. On y trouve aussi la résidence du mendoub (représentant du sultan). C’était le lieu le plus fréquenté de la ville de part sa position reliant la médina à la nouvelle ville. Elle fut rebaptisée Place du 9 avril 1947 en souvenir du discours historique du Sultan Mohammed V.


· Le petit socco, cœur de la ville, il a été bâti sur un ancien forum romain. C’est une place entourée de petits cafés et de vieux hôtels. C’était aussi le lieu de rencontre des écrivains de la « beat génération », comme Kerouac ou Burroughs.


· La Casbah , située en hauteur et bordée de remparts, c'est un quartier d’ancien palais qui possède sa propre mosquée, l’une des plus belles de la ville. Elle surplombe la ville ce qui lui permet d’offrir une magnifique vue sur la baie de tanger. L’américain Paul Bowles, séjourna dans une des rues du quartier.






· Le café Hafa existe depuis les années 1920. Ce café n’a rien de particulier, quelques terrasses étroites reliées par des marches trop hautes, des tables en fer à la peinture écaillée, des chaises en plastique de supermarché. Il est juste unique par sa position, on y a une vue sublime sur le détroit, la ville et son port... Son univers fleuri et serein apaise tous ceux qui s’y arrêtent prendre un verre de thé, comme l’ont fait les Beatles, Randy Weston, Sean Connery, Paul Bowles ou encore Jean Genet.


Ces quartiers ne sont que quelques endroits de tanger, il y en a évidemment beaucoup d’autres qui contribuent tous à la féerie de ce lieu magique…

Tanger, la ville...


Tanger, située au nord du Maroc est la quatrième ville du royaume et le deuxième centre industriel du pays après Casablanca. Mais avant d’être un pôle économique, elle est une ville dotée d’une histoire riche et d’une géographie unique. En effet, elle a été auparavant sujette à de nombreuses conquêtes. La ville voit se succéder au fil du temps, Phéniciens, Carthaginois, Musulmans ou Portugais… Voltaire écrit dans ses « essais sur les mœurs et l’esprit des nations », que peu de villes ont éprouvés plus de révolutions que Tanger.
Plus tard, vers les années 1900, elle obtient un statut particulier suite à l’accord signé entre la France et l’Espagne pour délimiter leurs zones d’influence. A la veille de la seconde guerre mondiale, de part son statut priviligié, elle est un lieu neutre, c’est pourquoi elle devient un centre d’espionnage. Puis en 1912 le traité de protectorat français est signé, Tanger est donc colonisée par les Français. Elle n’est rattachée au Maroc qu’en 1956, et perd son statut particulier pour se voir attribuer une zone franche.
Son passé est dut principalement à sa position géographique. Elle appartient d’ailleurs davantage à l’aire géographique européenne qu’à celle de l’Afrique. Son climat est plutôt méditerranéen, ces étés sont chauds et secs et ses hivers doux et humides, elle est réputée pour ses vents fréquents dont le fameux « charqui ». Située à seulement quinze kilomètres des côtes espagnoles, elle est avant tout une ville carrefour. Comme toute ville carrefour, Tanger est un lieu d’échanges, d’échanges économiques mais aussi culturels. Elle possède de ce fait un fort potentiel culturel. C’est pour cela qu’elle a toujours attiré de nombreux artistes ; Des artistes qui ont beaucoup contribué au cosmopolitisme de la ville. Que ce soit des écrivains ou des peintres ils ont tous été charmés par cette ville mythique. On se demandera alors, q
uelle image de Tanger nous est donnée à travers les oeuvres de ses artistes??